• SUZETTE ROCA née CRUGUT - témoignage

     

    * Avec son accord, j’ai choisi de mettre en ligne le témoignage de ma maman qui a aujourd’hui 92 ans. Il est des vies simples et authentiques qui sont un témoignage à la gloire de Dieu. Celle de ma maman en est une qui doit nous parler.

    Didier Roca (printemps 2020)

     

    Suzette 4ansJe suis née le 16 mars 1928 à Tonneins, petite ville du Lot-et-Garonne qui se situe entre Agen et Bordeaux et à quelques kilomètres de Marmande. Je voudrais vous faire part de mon témoignage … il y a toute une vie à raconter, mais comme ce serait trop long, je vais donc partager avec vous quelques aspects et quelques étapes de ma vie et j’espère que vous en serez encouragés, parce que ce qui domine dans ma vie, c’est l’amour et la fidélité de Dieu. 

    Je suis née dans une grande famille protestante (grande par le nombre de ses membres), mais mes parents n’ont que très peu fréquenté l’Eglise Réformée de la ville. Leur engagement se limitait à se rendre au Temple pour les enterrements, les mariages et les baptêmes … et à donner un peu d’argent au pasteur qui ne manquait pas de passer à la maison dans la période des fêtes de Noël.

    Les années qui ont précédé la 2ème guerre mondiale étaient déjà marquées par une crise importante et notre famille ne roulait pas sur l’or. Ma mère travaillait à la manufacture de tabac de la commune et mon père livrait les sacs de charbon au domicile de ses habitants. Mais j’ai eu une jeunesse heureuse, sans problème particulier.

     

    A l’âge de l’adolescence, je me suis intégrée au sein des groupes de jeunes de l’Eglise Réformée de France : j’ai également fait cinq ans de scoutisme. Les années  d’occupation de la 2ème guerre mondiale n’ont pas été faciles. La présence des soldats nazis était forte, oppressante, particulièrement dans tout le Bordelais et donc dans notre petite ville. A cause de la guerre, j’ai également dû stopper mes études au niveau du cours complémentaire (à la fin du collège). 

    Je n’avais pas 16 ans, quand j’ai commencé à porter des lettres pour les combattants résistants de la région. J’étais une belle etSuzette 17 ans innocente jeune fille, je cachais les lettres sur moi et je prenais mon vélo pour visiter une tante à quelques kilomètres de la ville, avec comme prétexte d’aller chercher des oeufs, des légumes et des pommes de terre. Les Allemands avaient établi un point de contrôle sur le pont de la Garonne, ils avaient fini par me connaitre et jamais ils n’ont eu la curiosité de me fouiller … « RaFFitailleMMent !! » disaient en riant fort les soldats quand ils me voyaient revenir avec mon panier rempli d’oeufs et de légumes. Deux fois même c’est toute tremblante que j’ai aussi passé un pistolet (toujours caché sur moi). De ça, à l’époque, je n’ai même jamais parlé à personne (pas même à mes parents) … il ne fallait pas. En fait, nous étions quelques membres du groupe de jeunes de l’Eglise Réformée à rendre discrètement ces petits services au réseau de résistance local.

    Vers la fin de la guerre, pour ne pas que je sois réquisitionnée pour aller travailler dans une usine en Allemagne, mon père, à qui le Maire devait probablement un service (mais je n’ai jamais su lequel), avait fait faire une fausse carte d’identité sur laquelle il était stipulé que je travaillais à la Mairie de la ville … ce qui était faux.

     

    Nous voici maintenant en 1949. Mon frère aîné avait quitté Tonneins pour vivre à Béziers avec sa famille, et c’est à sa demande, pour aider son épouse qui était fatiguée après la naissance de son troisième enfant, que je l’ai rejoint à Béziers. Je suis venue sans me poser de questions : j’étais disponible et j’avais remis ma vie entre les mains du Seigneur Jésus.

    Dans les mois qui ont suivi mon arrivée, j’ai fait la connaissance d’un jeune homme, pas chrétien du tout, mais qui s’est beaucoup intéressé à moi. Evidemment et naturellement, je lui ai parlé de Dieu et je l’ai invité à lire la Bible. A cette époque, j’avais suivi mon frère qui fréquentait l’Eglise Evangélique Libre présente dans la ville.

     

    AlexandreComme ce jeune homme m’avait déclaré son amour et qu’il voulait m’épouser, je lui ai dit que jamais je n’épouserai un homme qui ne serait pas chrétien. C’est donc moi qui l’ai présenté à notre pasteur de l’époque : Monsieur Schafner avec lequel il suivra des études bibliques et grâce à qui il se convertira au Seigneur Jésus-Christ.

     

    Au bout d’un an Alexandre (c’est son prénom) et moi nous nous marions ici même dans l’Eglise Libre, le 28 septembre 1950. C’est désormais ensemble que nous continuons l’étude de la Bible. C’est toute notre vie (vie personnelle et vie de couple) que nous avons confiée au Seigneur et trois de nos enfants (deux garçons et une fille) sont venus nous rejoindre (le quatrième, encore une fille, arrivera en 1960). 

     

    Nos débuts ne furent pas faciles, et j’étais obligée de diluer plusieurs fois une même soupe pour arriver àMariage nous nourrir. Avant d’entrer à la Sécurité Sociale, où il fera toute sa carrière, Alexandre avait fait des petits boulots : vendeur de journaux, facteur et technicien dans le cinéma de la ville. Il était fils unique, mais jamais sa famille, qui était pauvre, n’a pu nous aider. Ses parents étaient des émigrés espagnols qui à la toute fin de 1926 avaient fui la misère de l’Espagne pour s’installer dans le sud de la France et c’est en janvier 1927 qu’Alexandre est né à Bagnols-sur-Cèze (Gard). 

    Son père, maçon de profession, avait aussi travaillé dans l’usine de soufre de Béziers. A cause de ses poumons brûlés (il n’y avait pas de protection à l’époque), il est mort dans de grandes souffrances. Sa mère était ‘marchande d’ail’ sur le marché de Béziers (dans sa charrette à bras, elle transportait des fleurs, des légumes, etc. … et bien sûr de l’ail). Tous les deux ne parlaient que très mal le français et c’est tout seul qu’Alexandre s’était débrouillé tout au long de sa scolarité.

     

    Notre vie est désormais bien établie et nous nous étions totalement intégrés à la vie de l’Eglise Evangélique Libre. Un jour, notre pasteur appelle Alex et lui dit ceci : « Je ne suis pas bien du tout, prenez ma voiture, allez à Pézenas et remplacez-moi pour y faire l’étude biblique. » Dieu se manifestait ainsi et voulait que nous agissions encore plus au sein de notre église.

    Le Seigneur veillait sur nous, nous voulions faire sa volonté. Quel bonheur de lui appartenir et de le servir ! Notre famille était entièrement sous le regard de Dieu et nos activités se sont  désormais additionnées et multipliées au sein de notre église. 

     

    Un dimanche matin, alors qu’Alex était chargé d’ouvrir les portes de notre chapelle, au bout d’une demi-heure d’attente, les chaises étaient toujours vides … Alex et moi étions tous les deux. Nous nous sommes mis à prier le Seigneur et, miracle (!), une personne est entrée. C’était une chrétienne de Pézenas, qui avait fait 25 kilomètres à vélo pour rejoindre l’Eglise. Mademoiselle Mas, c’est son nom s’est alors jointe à nos prières.

    Ce fut pour Alex et moi comme un clin d’oeil du Seigneur et un ordre qu’il nous adressait : « Ne fermez jamais les portes de l’église. » Aujourd’hui, l’église est toujours là et nous sommes bien plus nombreux. Une chose est sûre : c’est le Seigneur Jésus qui bâtit son Eglise.

    La famille

    Les années ont passé : le Seigneur a toujours veillé sur nous et sur son Eglise à Béziers. Quel bonheur de lui appartenir !

     

    Dieu est toujours avec nous et avec ceux qui le prient. Les hommes qui annoncent la Parole de Dieu sont nombreux, mais les difficultés sont grandes et ils ne sont pas toujours vainqueurs : chacun peut se rendre compte des difficultés … notre devoir est de prier pour eux et de toujours bien les recevoir.

    Nous avons une église, nous annonçons l’Evangile, ne nous laissons pas abattre par les difficultés et les contretemps, Dieu est avec nous, travaillons et prions.

     

    Alex et moi avons donc eu 4 enfants, 2 filles et 2 garçons. Chacun d’eux est un trésor que le Seigneur nous a offert et jamais nos enfants n’ont été un obstacle pour servir le Seigneur … bien au contraire.

    Notre foi a grandi. Notre existence a toujours été une vie de travail pour le Seigneur. 

     

    De 1960 à 1969, nous avons été engagés dans la colonie de vacances de la Ligue pour la Lecture de la Bible à Sumène (dans les Cévennes). J’y ai fait la cuisine plusieurs fois par an, y compris pour les ‘camps de travail’ nécessaires plusieurs fois par an pour entretenir les locaux du ‘mas’ à Sumène.

    Durant les colonies de vacances de l’été, Alex qui continuait de travailler dans la semaine me rejoignait le week-end et  faisait des frites et des gâteaux pour plus de 250 personnes qu’il fallait nourrir … et l’été il faisait très chaud devant les fourneaux et les immenses marmites de la cuisine. 

    C’est aussi dans ces colonies de vacances que nos enfants ont grandi.

     

    A partir de 1970 ce sont les camps d’évangélisation qui ont pris le relais sur les colonies de vacances, avec le même engagement pourLes enfants nous : à Cannes, en Bretagne, à Narbonne plage et Saint-Pierre. En 1974, nous étions engagés, encore et toujours, au côté de Charles Guillot et des missions organisatrices des campagnes d’évangélisation ‘Punch’, qui avaient pour but d’offrir un témoignage aux centaines de milliers de touristes depuis la frontière espagnole jusqu’à la Camargue. 

    En fait, je voudrais vous révéler un détail que très peu de personnes ont jamais su jusqu’à aujourd’hui. Ce sont Charles Guillot et Alex qui ont imaginé et créé ces campagnes ‘Punch’, alors que tous les deux s’étaient retrouvés sur la plage de Carnon (près de Montpellier). A cette époque, il y avait déjà des milliers de personnes sur les plages : pourquoi ne pas profiter de l’occasion pour leur annoncer l’Evangile ? Charles Guillot s’occupant de la partie organisation et Alex de tout ce qui était intendance (il y avait près de 400 jeunes qu’il a fallu nourrir durant 15 jours). Notre église de Béziers était aussi engagée dans ces campagnes d’évangélisation pour recevoir une équipe de ces jeunes.

     

    Alex était toujours disponible, jamais il n’a regretté son engagement avec le Seigneur, engagement qui venait s’ajouter à son travail pour nourrir notre famille.

     

    Une année, suite à notre demande, la Mairie de Béziers prêta à notre église une salle pour réunir les enfants du quartier de la Devèze. Un quartier particulièrement difficile de Béziers … mais courage ! N’était-ce pas Dieu qui nous envoyait là en mission ! Pendant plusieurs années, avec des soeurs de l’église, nous avons réuni dans ce petit local jusqu’à parfois plus de 30 enfants.

    Ce n’était pas facile, mais ils ont pu entendre l’Evangile, et quelle joie de voir certains parents (musulmans pour plusieurs) venir à l’église pour assister à la fête de Noël dans laquelle leurs enfants chantaient, récitaient des poèmes et jouaient dans des sketches.

    Plusieurs années après, j’étais au centre-ville, sur les allées Paul Riquet, alors que s’y produisait une fanfare. Un jeune homme est sorti des rangs, il s’est approché de moi pour m’embrasser, il jouait du tambour dans la fanfare. « Bonjour ! Je suis Claude. Quand j’étais petit, j’ai participé aux réunions du club de la Devèze. Je me souviens des histoires de Jésus et de vous. » 

    C’était, une fois de plus un clin d’oeil du Seigneur, ce que nous avons semé n’avait pas été oublié.

     

    AlexandreJ’ai encore une anecdote que j’aimerai vous raconter. Au milieu des années 1950, notre église tenait des réunions d’évangélisation ‘sous la tente’ : il s’agissait d’un grand chapiteau que nous plantions sur une place de Béziers. C’était Charles Guillot qui les organisait et qui prêchait l’Evangile. Alex et moi attendions notre troisième enfant, mais mon état de santé n’était pas des meilleurs, j’étais très fatiguée. J’ai alors prié ainsi : « Seigneur mets ta bonne main sur moi et sur cet enfant que je veux te donner. » 

    Le soir même, j’ai fait part de ma prière à Alex et c’est d’un commun accord que nos prières sont montées vers Dieu. Cet enfant c’est Didier, qui est pasteur.

     

    Un jour, dans les années 1970, notre pasteur Claude Dejardin me dit ceci : « J’ai besoin de vous, j’ai beaucoup de visites à faire : j’ai vraiment besoin de votre aide. »

    « Seigneur que veux-tu que je fasse ? » J’ai une voiture, j’ai ma Bible : le Seigneur savait cela, il m’avait à l’oeil . J’en étais sûre… C’est ainsi que j’ai eu le privilège d’apporter un peu de joie à des personnes qui ne pouvaient pas venir participer au culte à l’église et qui habitaient parfois à des kilomètres de Béziers. Ma vieille ‘Renault 4’ avalait tous ces kilomètres. Voiture tellement vieille qu’un jour, alors qu’avec la femme du pasteur nous allions du côté de Mazamet (à 80 Km de Béziers), elle perdit une partie de son plancher côté passager … panique à bord. Mais de ce service pour le Seigneur j’en ai aussi retiré beaucoup de bénédictions. Des sourires, des oreilles attentives et un cœur ouvert … que de joies et de confidences partagées autour de la Parole de Dieu ! Durant des années j’ai pu faire ces visites, ce fut un service vraiment béni pour moi.

     

    Je me souviens encore de ces grands moments vécus avec la chorale de notre église composée d’une quinzaine de personnes toutes motivées. A la fin des années 1960 et au début des années 1970, au moment des fêtes de fin d’année nous allions chanter dans les maisons de retraite, dans la salle commune du vieil hôpital de Béziers dans laquelle étaient soignées des dizaines de personnes. Nous sommes même allés chanter et témoigner dans l’ancienne et historique prisons (aujourd’hui désaffectée) de la ville accotée à la cathédrale. Dans ces lieux, nous avons ainsi pu porter le message de l’Evangile, mais aussi recevoir beaucoup de témoignages de reconnaissance.

     

    Mais tout a une fin … pas tout à fait malgré tout. Je prends de l’âge et mes forces faiblissent, mais je peux encore servir le Seigneur : il demande toujours mes prières. 

     

    Alex et moi avons fait notre part du travail. Nous avons toujours eu conscience d’être un couple appelé par Dieu pour le servir. S’il avait été là, il aurait fallu encore bien plus de pages et de temps pour qu’il vous raconte tous ses engagements au sein de la Ligue pour la Lecture de la Bible (comité du sud), de Radio Evangile (dont il a été le trésorier durant une trentaine d’années), de l’Union des Eglises Evangéliques Libres (dont il fut le trésorier de la caisse des retraites) et surtout de notre église ici à Béziers qui était au cœur de ses engagements.

    Les années ont passé depuis ma jeunesse et tout ce temps vécu dans notre église. J’avais confié ma vie au Seigneur. Il m’a d’abord reçue telle que j’étais, il a entendu mes prières et vu ma disponibilité et il m’a appelé à le servir en toute simplicité et humilité. Je ne regrette rien. 

    Les années ont passé depuis ma jeunesse et tout ce temps vécu dans notre église. J’avais confié ma vie au Seigneur. Il m’a d’abord reçue telle que j’étais, il a entendu mes prières et vu ma disponibilité et il m’a appelé à le servir en toute simplicité et humilité. Je ne regrette rien. 

     

    Je voudrais vous dire encore une chose : ne vous laissez jamais impressionner par les années passées, qu’elles aient été joyeusesSuzette ou tristes, qu’elles aient été faciles à traverser ou parcourues par diverses épreuves plus ou moins lourdes. Ne soupirez pas après ces années : c’est devant qu’il faut toujours regarder « Nous donc aussi, puisque nous sommes entourés d'une si grande nuée de témoins, rejetons tout fardeau et le péché qui nous enveloppe si facilement, et courons avec persévérance l'épreuve qui nous est proposée. Faisons-le en gardant les regards sur Jésus, qui fait naître la foi et la mène à la perfection. » (Hébreux 12.1-2)

    La vie de notre Eglise Evangélique Libre de Béziers n’a jamais été un long fleuve tranquille. Il y a eu des périodes où nous n’avions plus de pasteurs  : les cultes, les réunions et toutes les autres activités de l’église étaient assurés par quelques-uns qui n’ont rien lâché et qui ont toujours eu à cœur de servir Dieu dans l’Eglise Evangélique Libre de Béziers. 

     

    Dieu est toujours présent dans son Eglise et il nous y appelle à l’adorer, mais aussi à le servir. Nous avons un lieu de culte ‘La Chapelle’, nous avons des frères et des soeurs que nous aimons … nous avons un bâtiment : nous sommes une église.

    Nous encore avons la liberté de pouvoir annoncer l’Evangile, c’est même un devoir de le faire, c’est aussi un privilège, une grâce. Un vieux cantique exprime ce qui devrait être notre engagement à tous : « Travaillons et luttons, nous sommes au Seigneur … »

    Quant à moi, et c’est la seule chose que je peux faire aujourd’hui, je prie beaucoup pour ma famille, mes enfants, petits enfants et arrières petits enfants. Je prie aussi pour mon église, pour qu’elle reste toujours fidèle et que chacun de ses membres soit une bénédiction pour tous.

     

    Enfin, je remercie le Seigneur d’avoir fait de moi son enfant et son humble servante.

     

    Suzette ROCA - Février 2020

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